Homélie pour le 17e dimanche du temps ordinaire Année C « Seigneur, apprends-nous à prier »

Hermann Giguère

Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P.H. du Séminaire de Québec. Homélie du 28 juillet 2019 à la Chapelle du Lac Poulin et à la Chapelle du Lac Raquette. Textes: Genèse 18, 20-32, Colossiens 2, 12-14 et Luc 11, 1-13 Notre Père.

Après avoir écouté les lectures, on pourrait qualifier ce dimanche de DIMANCHE DE LA PRIÈRE. En effet tant Abraham dont nous parle la première lecture que Jésus dans l’évangile nous font entrer dans l’expérience de la prière qui est ouverte à tous et à toutes,

I - Le « Notre Père »

Commençons par Jésus. Dans le texte de saint Luc, on le voit qui répond à une demande de ses disciples qui désirent avoir une prière comme les disciples de Jean-Baptiste. Quelle était cette prière reçue de Jean-Baptiste ? On n’en sait rien.

Jésus va obtempérer à la demande de ses disciples. Et cette réponse nous vaut ce qui est devenu depuis des siècles la marque caractéristique des chrétiens. En effet, le « Notre Père » n’est pas seulement une expression de notre prière personnelle, il est en même temps l’expression de ce que le Christ est venu donner au monde. Il est comme un résumé du programme de mission de Jésus.

Dans la version de Luc on a cinq demandes tandis que dans celle de saint Mathieu (Mathieu 6, 9-13) il y en a sept. Reprenons, si vous le voulez, chacune des demandes de saint Luc que nous venons d'entendre pour y entrer le mieux possible.

Le « Notre Père » se présente en deux parties très différentes. La première partie nous fait proclamer des demandes qui concernent Dieu lui-même tandis que la seconde nous tourne vers nos propres besoins. C’est la dimension verticale et la dimension horizontale qui se rencontrent dans ces mots et dans le cœur de Jésus qui veut nous y faire entrer.

La prière du « Notre Père » de saint Luc commence par l'invocation à Dieu « Père ». Ce mot est la nouveauté apportée par Jésus qui voit Dieu non pas comme une réalité lointaine mais comme quelqu'un proche de ses enfants comme un père. En araméen, la langue que parlait Jésus, le mot qui le dit est « Abba » ce qui se traduirait littéralement par « Papa ». Ce Père si proche est celui dont nous tirons mystérieusement notre origine et notre vie et il se distingue des autres pères par son caractère divin.

« Que ton Nom soit sanctifié » est la première demande. Le nom pour les juifs c’est la personne, c’est toute la réalité concrète de la personne et pas seulement une désignation commode. « Que ton soit sanctifié » revient à dire nous te reconnaissons toi notre Dieu comme le Saint des Saints. Ton nom est béni par ce que tu es celui qui répand tes bénédictions.

« Que ton règne vienne ». Le Règne de Dieu c’est le rayonnement de son amour pour le monde. Il s'agit d'un amour qui veut que toute personne soit sauvée, que la création soit libérée de ce qui la retient et que son Fils Jésus soit accueilli comme son Envoyé.

« Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour ». Le pain c’est bien sûr le pain matériel dont toute personne a besoin. C’est aussi le pain de la Parole de Dieu et celui du Corps et du Sang de Jésus que nous sommes invités à partager à chaque dimanche.

« Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. ». Le pardon des offenses revêt une place unique dans la prédication de Jésus lorsqu’il proclame le fameux « Aimez vos ennemis ». Le pardon pour Jésus n’a pas de limites comme l’amour miséricordieux de Dieu n’en a pas. Le « car nous-mêmes, nous pardonnons » est une invitation claire au sérieux de nos gestes et de nos choix pour Dieu. Nous serons jugés sur ce que nous aurons fait et non pas seulement sur ce que nous aurions voulu faire.

« Et ne nous laisse pas entrer en tentation ».  La nouvelle traduction de cette demande met l'accent sur le soutien de notre Père dans les vicissitudes de la vie que nous lui remettons avec confiance puisqu’il nous l’a donnée ici-bas et l’a fait porteuse de vie éternelle.

II – Le récit de la conversation de Dieu avec Abraham

Continuons avec Abraham. La conversation où Abraham négocie avec Dieu relatée dans la première lecture est bien dans le style oriental.

Ce que j’en retiens c’est la familiarité qui se dégage de cet épisode et qui nous enseigne quelque chose de très important dans toute prière. La prière c’est d’abord et avant tout une personne qui s’exprime, qui prie. Ce ne sont pas des idées qu’on exprime ou des formules seulement. Dans la Bible, la révélation de la rencontre de Dieu avec Abraham, avec les prophètes et avec Jésus nous indique que notre Dieu entre en conversation avec nous. Sainte Thérèse d'Avila définissait la prière comme « une conversation amoureuse avec Dieu ». C’est là l’originalité de la prière dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. C’est un dialogue avec Dieu.

Les musulmans n’ont pas la même vision de la prière. Ils y sont très fidèles, plusieurs fois par jour, mais c’est toujours dans la récitation de formules, ou dans des postures extérieures qu’ils l’expriment. Je ne veux pas dire qu’il n’y a de dialogue avec Dieu dans leur prière mais l’insistance n’est pas tant là que dans les gestes et les paroles qu’on prononce fidèlement avec exactitude. Pour les chrétiens, au contraire, comme Jésus nous y invite dans l’évangile de saint Mathieu, ce qui est important ce ne sont pas les paroles mais ce qui est dans ton cœur. « Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra ». (Mathieu 6, 6)

III – Notre expérience de la prière : prier sans se lasser

Après l'expérience de la prière chez Jésus et Abraham, venons-en maintenant à la nôtre. Jésus après avoir donné une formule qui est le « Notre Père » ne veut pas qu’on s’y astreigne sans mettre dans notre prière nos besoins personnels, ce qui fait notre vie de tous le jours. C’est pourquoi il donne l’image de l’ami importun. Cette image nous invite à entrer dans une telle familiarité avec Dieu que nous pouvons même, à l’occasion, le poursuivre de nos demandes et de nos désirs sans retenue et sans gêne comme l'ami importun. « Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira », dit Jésus. Car c’est cela la conversation amoureuse.

Cette homélie a voulu vous faire partager ma joie et mon amour de la prière. Celle-ci ne se réalise pas seulement à la messe le dimanche. Elle s'exprime en reprenant des paroles comme celles du « Notre Père », du « Je vous salue Marie » ou du « Gloire soit au Père » ou d'autres et en y mettant notre cœur et nos sentiments comme on le fait dans le chapelet.

La prière s’exprime aussi en laissant notre esprit rendre grâces à Dieu devant un beau coucher de soleil, en entendant des nouvelles qui sont parfois très inspirantes et quand elles ne le sont pas en priant pour ceux et celles qui sont dans le besoin, etc. Ainsi la prière fait partie de notre vie quotidienne. Elle ne s’identifie pas seulement à des paroles et à des lieux, mais elle est au plus intime de nous-même, dans le secret, et Dieu la voit même lorsque les autres ne la voient pas. Elle devient de plus en plus un état d'âme, une manière de se tenir devant Dieu.

Conclusion

Que notre DIMANCHE DE LA PRIÈRE cette année soit l’occasion pour chacun et chacune de se laisser entrer dans une conversation amoureuse avec Dieu de plus en plus fréquente préparant la grande conversation qui se vivra pour toujours lorsque nous aurons rejoint notre Père dans les cieux, ce que je nous souhaite à toutes et tous.

Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec


23 juillet 2019





























Lectures de la messe pour le 17e dimanche du temps ordinaire Année C

Première lecture
« Que mon Seigneur ne se mette pas en colère si j’ose parler encore » (Gn 18, 20-32)

Lecture du livre de la Genèse

En ces jours-là,
les trois visiteurs d’Abraham allaient partir pour Sodome.
Alors le Seigneur dit :
« Comme elle est grande,
la clameur au sujet de Sodome et de Gomorrhe !
Et leur faute, comme elle est lourde !
Je veux descendre pour voir
si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu’à moi.
Si c’est faux, je le reconnaîtrai. »
Les hommes se dirigèrent vers Sodome,
tandis qu’Abraham demeurait devant le Seigneur.
Abraham s’approcha et dit :
« Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le coupable ?
Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville.
Vas-tu vraiment les faire périr ?
Ne pardonneras-tu pas à toute la ville
à cause des cinquante justes qui s’y trouvent ?
Loin de toi de faire une chose pareille !
Faire mourir le juste avec le coupable,
traiter le juste de la même manière que le coupable,
loin de toi d’agir ainsi !
Celui qui juge toute la terre
n’agirait-il pas selon le droit ? »
Le Seigneur déclara :
« Si je trouve cinquante justes dans Sodome,
à cause d’eux je pardonnerai à toute la ville. »
Abraham répondit :
« J’ose encore parler à mon Seigneur,
moi qui suis poussière et cendre.
Peut-être, sur les cinquante justes, en manquera-t-il cinq :
pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? »
Il déclara :
« Non, je ne la détruirai pas,
si j’en trouve quarante-cinq. »
Abraham insista :
« Peut-être s’en trouvera-t-il seulement quarante ? »
Le Seigneur déclara :
« Pour quarante,
je ne le ferai pas. »
Abraham dit :
« Que mon Seigneur ne se mette pas en colère,
si j’ose parler encore.
Peut-être s’en trouvera-t-il seulement trente ? »
Il déclara :
« Si j’en trouve trente,
je ne le ferai pas. »
Abraham dit alors :
« J’ose encore parler à mon Seigneur.
Peut-être s’en trouvera-t-il seulement vingt ? »
Il déclara :
« Pour vingt,
je ne détruirai pas. »
Il dit :
« Que mon Seigneur ne se mette pas en colère :
je ne parlerai plus qu’une fois.
Peut-être s’en trouvera-t-il seulement dix ? »
Et le Seigneur déclara :
« Pour dix, je ne détruirai pas. »

– Parole du Seigneur.
Psaume
(Ps 137 (138), 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8)

R/ Le jour où je t’appelle,
réponds-moi, Seigneur. (cf. Ps 137, 3)

De tout mon cœur, Seigneur, je te rends grâce :
tu as entendu les paroles de ma bouche.
Je te chante en présence des anges,
vers ton temple sacré, je me prosterne.

Je rends grâce à ton nom pour ton amour et ta vérité,
car tu élèves, au-dessus de tout, ton nom et ta parole.
Le jour où tu répondis à mon appel,
tu fis grandir en mon âme la force.

Si haut que soit le Seigneur, il voit le plus humble ;
de loin, il reconnaît l’orgueilleux.
Si je marche au milieu des angoisses, tu me fais vivre,
ta main s’abat sur mes ennemis en colère.

Ta droite me rend vainqueur.
Le Seigneur fait tout pour moi !
Seigneur, éternel est ton amour :
n’arrête pas l’œuvre de tes mains.
Deuxième lecture
« Dieu vous a donné la vie avec le Christ, il nous a pardonné toutes nos fautes » (Col 2, 12-14)

Lecture de la lettre de saint Paul apôtre aux Colossiens

Frères,
dans le baptême,
vous avez été mis au tombeau avec le Christ
et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu
qui l'a ressuscité d’entre les morts.
Vous étiez des morts,
parce que vous aviez commis des fautes
et n’aviez pas reçu de circoncision dans votre chair.
Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ :
il nous a pardonné toutes nos fautes.
Il a effacé le billet de la dette qui nous accablait
en raison des prescriptions légales pesant sur nous :
il l’a annulé en le clouant à la croix.

– Parole du Seigneur.
Évangile
« Demandez, on vous donnera » (Lc 11, 1-13)

Alléluia. Alléluia.
Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ;
c’est en lui que nous crions « Abba », Père.
Alléluia. (Rm 8, 15bc)

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc

Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière.
Quand il eut terminé,
un de ses disciples lui demanda :
« Seigneur, apprends-nous à prier,
comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. »
Il leur répondit :
« Quand vous priez, dites :
‘Père,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne.
Donne-nous le pain
dont nous avons besoin pour chaque jour
Pardonne-nous nos péchés,
car nous-mêmes, nous pardonnons aussi
à tous ceux qui ont des torts envers nous.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »
Jésus leur dit encore :
« Imaginez que l’un de vous ait un ami
et aille le trouver au milieu de la nuit pour lui demander :
‘Mon ami, prête-moi trois pains,
car un de mes amis est arrivé de voyage chez moi,
et je n’ai rien à lui offrir.’
Et si, de l’intérieur, l’autre lui répond :
‘Ne viens pas m’importuner !
La porte est déjà fermée ;
mes enfants et moi, nous sommes couchés.
Je ne puis pas me lever pour te donner quelque chose’.
Eh bien ! je vous le dis :
même s’il ne se lève pas pour donner par amitié,
il se lèvera à cause du sans-gêne de cet ami,
et il lui donnera tout ce qu’il lui faut.
Moi, je vous dis :
Demandez, on vous donnera ;
cherchez, vous trouverez ;
frappez, on vous ouvrira.
En effet, quiconque demande reçoit ;
qui cherche trouve ;
à qui frappe, on ouvrira.
Quel père parmi vous, quand son fils lui demande un poisson,
lui donnera un serpent au lieu du poisson ?
ou lui donnera un scorpion
quand il demande un œuf ?
Si donc vous, qui êtes mauvais,
vous savez donner de bonnes choses à vos enfants,
combien plus le Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint
à ceux qui le lui demandent ! »

– Acclamons la Parole de Dieu.



Commentaires (0)
Nouveau commentaire :


Twitter Facebook Rss YouTube

Droits réservés Carrefour Kairos
© Hermann Giguère 2021