Homélie pour le 20e dimanche du temps ordinaire Année A « La cananéenne qui crie après Jésus »
Hermann Giguère
Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P. H. du Séminaire de Québec. Homélie pour le 20e dimanche du temps ordinaire Année A à la Chapelle du Lac Poulin le 16 août 2020. Textes : Isaïe 56, 1.6-7, Romains 11, 13-15.29-32 et Mathieu 15, 21-28.
En écoutant raconter ce fait divers de l’évangile aujourd’hui, je me disais « Mais pourquoi l’a-t-on conservé? Pourquoi les disciples et les apôtres en ont-ils gardé le souvenir? ». En effet, il s’est passé bien des choses dans la vie de Jésus. On a en a oublié plusieurs, mais le souvenir de cette femme qui crie après Jésus n’a pas été oublié. Et c'est heureux pour nous, car ce fait nous donne un enseignement des plus importants sur le but de la mission de Jésus dans le monde.
Regardons-y de plus près.
I – Le fait commenté
De quoi s’agit-il ? Jésus se retire dans le territoire de Tyr et de Sidon (Tayz et Saida dans la le Liban d'aujourd’hui. Saida est à 48 km de Beyrouth.). Jésus n’est presque jamais sorti de la Palestine. Il a rarement foulé le sol d’un territoire païen. En allant sur le territoire de deux villes de commerce situées sur le bord de la mer, il s’en va à l’étranger, en pays païen.
C'est au cours de son voyage qu’il rencontre cette femme cananéenne qui le connaît de nom, qui connaît sa réputation, qui a entendu parler de lui et qui s’organise pour attirer son attention et lui recommander sa fille qui est très malade. Elle le fait parce qu'elle a compris déjà ce que bien des Juifs n’ont pas compris : Jésus est le Messie, l'Envoyé de Dieu. C'est pour cela qu'elle l’appelle « Fils de David ».
Continuons de suivre la scène. Il semble bien que Jésus, habitué d'entendre crier après lui, ne fait pas trop attention et qu’il continue son chemin avec son groupe. La femme cananéenne se met à les suivre et continue à crier. Les disciples sont agacés et demandent à Jésus de la renvoyer.
Que va faire Jésus ? C’est là que ça devient très important, pas seulement pour la femme mais pour nous aussi. Écoutez bien le message, l’enseignement qui ressort des réponses de Jésus aux disciples et ensuite à la femme.
Aux disciples qui s’approchent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! », Jésus répond dans un premier temps : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Et à la femme qui continue de le supplier il dit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». Celle-ci a alors cette réponse renversante par la foi et la confiance qu’elle met en Jésus. Elle lui dit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ».
Et Jésus est interloqué par cette réponse. C'est alors que, dans un second temps, il perçoit que le salut de Dieu n'est pas réservé aux seuls juifs et il répond : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » À l’heure même, sa fille est guérie. Pour Jésus le salut n'est pas offert seulement aux Juifs, il est offert aussi à d'autres que les juifs, aux païens notamment, en somme, à tous les peuples de la terre. C'est ce qu'on appelle l'universalité du salut offert par Dieu à toute personne qui accepte de le recevoir dans la foi et la confiance comme cette femme cananéenne.
II – Message
Jésus, comme un bon Juif, savait par l’Ancien Testament que Dieu a choisi le peuple élu, Israël, pour rassembler tous les peuples. C’est à Israël que Dieu s’est révélé par Abraham, Isaac et Jacob, leurs pères dans la foi. C'est ce que Jésus exprime, dans un premier temps, quand il réagit brusquement en disant « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ».
Mais. dans une deuxième temps. Jésus dans sa réponse à l’insistance de la femme - « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » - va plus loin et il nous révèle que ceux et celles qui sont le vrai peuple élu ce ne sont pas seulement les Juifs, mais tous ceux et celles qui croient en Jésus et en sa mission de Sauveur. Désormais celui qui croit en Jésus de quelque peuple, de quelque milieu, de quelque couleur qu’il soit peut être sauvé.
L'Ancien Testament, comme nous le montre ce passage du prophète Isaïe que nous avons lu dans la première lecture, annonçait déjà l'universalité du salut : « Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière ». Saint Paul reflétant cette ouverture du prophète Isaïe et la leçon de l’évangile d’aujourd’hui dira aux Galates : « Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus ». (Galates 3, 26-28) Toutes et tous peuvent être sauvés, comme cette femme cananéenne qui a cru en Jésus.
III - Application
Ici, Jésus modifie sa première réaction parce qu’il comprend que Dieu offre son salut à toutes et à tous. C'est le message qu'il va s'employer à répandre désormais. Cette universalité du salut a souvent été difficile à accepter. Pourtant Dieu n’a pas de préférence parmi les nations, les catégories d’âge etc. Dieu n’exclut personne. L’exclusion c’est nous qui la faisons bien souvent, qui mettons des étiquettes. L’Église, nous toutes et tous, a encore beaucoup à faire aujourd’hui sur ce plan. Il y a toujours des tentations d’exclure, de mettre des barrières.
Autrefois on disait « Hors de l’Église, pas de salut ». L’évangile d’aujourd’hui nous invite à ne pas nous considérer comme une élite à qui Dieu se révèle et qui est à part. Nous sommes invités à regarder le cœur, la foi des personnes et non leurs allures extérieures, leurs possessions, leur qualifications ou leurs provenances. En résumé, notre foi c’est de reconnaître la mission universelle de l’Église et d’y travailler de toutes nos forces. Alors Jésus pourra nous dire à nous aussi « Ta foi est grande. Que tout se fasse comme tu veux ».
Conclusion
Demandons au Seigneur de ne pas céder à l’exclusion et à l’intolérance. Comme la cananéenne redisons notre foi totale en Jésus et proclamons-la en récitant le Symbole des apôtres.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec
11 août 2020
Regardons-y de plus près.
I – Le fait commenté
De quoi s’agit-il ? Jésus se retire dans le territoire de Tyr et de Sidon (Tayz et Saida dans la le Liban d'aujourd’hui. Saida est à 48 km de Beyrouth.). Jésus n’est presque jamais sorti de la Palestine. Il a rarement foulé le sol d’un territoire païen. En allant sur le territoire de deux villes de commerce situées sur le bord de la mer, il s’en va à l’étranger, en pays païen.
C'est au cours de son voyage qu’il rencontre cette femme cananéenne qui le connaît de nom, qui connaît sa réputation, qui a entendu parler de lui et qui s’organise pour attirer son attention et lui recommander sa fille qui est très malade. Elle le fait parce qu'elle a compris déjà ce que bien des Juifs n’ont pas compris : Jésus est le Messie, l'Envoyé de Dieu. C'est pour cela qu'elle l’appelle « Fils de David ».
Continuons de suivre la scène. Il semble bien que Jésus, habitué d'entendre crier après lui, ne fait pas trop attention et qu’il continue son chemin avec son groupe. La femme cananéenne se met à les suivre et continue à crier. Les disciples sont agacés et demandent à Jésus de la renvoyer.
Que va faire Jésus ? C’est là que ça devient très important, pas seulement pour la femme mais pour nous aussi. Écoutez bien le message, l’enseignement qui ressort des réponses de Jésus aux disciples et ensuite à la femme.
Aux disciples qui s’approchent pour lui demander : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! », Jésus répond dans un premier temps : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Et à la femme qui continue de le supplier il dit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ». Celle-ci a alors cette réponse renversante par la foi et la confiance qu’elle met en Jésus. Elle lui dit : « Oui, Seigneur ; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ».
Et Jésus est interloqué par cette réponse. C'est alors que, dans un second temps, il perçoit que le salut de Dieu n'est pas réservé aux seuls juifs et il répond : « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » À l’heure même, sa fille est guérie. Pour Jésus le salut n'est pas offert seulement aux Juifs, il est offert aussi à d'autres que les juifs, aux païens notamment, en somme, à tous les peuples de la terre. C'est ce qu'on appelle l'universalité du salut offert par Dieu à toute personne qui accepte de le recevoir dans la foi et la confiance comme cette femme cananéenne.
II – Message
Jésus, comme un bon Juif, savait par l’Ancien Testament que Dieu a choisi le peuple élu, Israël, pour rassembler tous les peuples. C’est à Israël que Dieu s’est révélé par Abraham, Isaac et Jacob, leurs pères dans la foi. C'est ce que Jésus exprime, dans un premier temps, quand il réagit brusquement en disant « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens ».
Mais. dans une deuxième temps. Jésus dans sa réponse à l’insistance de la femme - « Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux ! » - va plus loin et il nous révèle que ceux et celles qui sont le vrai peuple élu ce ne sont pas seulement les Juifs, mais tous ceux et celles qui croient en Jésus et en sa mission de Sauveur. Désormais celui qui croit en Jésus de quelque peuple, de quelque milieu, de quelque couleur qu’il soit peut être sauvé.
L'Ancien Testament, comme nous le montre ce passage du prophète Isaïe que nous avons lu dans la première lecture, annonçait déjà l'universalité du salut : « Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière ». Saint Paul reflétant cette ouverture du prophète Isaïe et la leçon de l’évangile d’aujourd’hui dira aux Galates : « Car tous, dans le Christ Jésus, vous êtes fils de Dieu par la foi. En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus ». (Galates 3, 26-28) Toutes et tous peuvent être sauvés, comme cette femme cananéenne qui a cru en Jésus.
III - Application
Ici, Jésus modifie sa première réaction parce qu’il comprend que Dieu offre son salut à toutes et à tous. C'est le message qu'il va s'employer à répandre désormais. Cette universalité du salut a souvent été difficile à accepter. Pourtant Dieu n’a pas de préférence parmi les nations, les catégories d’âge etc. Dieu n’exclut personne. L’exclusion c’est nous qui la faisons bien souvent, qui mettons des étiquettes. L’Église, nous toutes et tous, a encore beaucoup à faire aujourd’hui sur ce plan. Il y a toujours des tentations d’exclure, de mettre des barrières.
Autrefois on disait « Hors de l’Église, pas de salut ». L’évangile d’aujourd’hui nous invite à ne pas nous considérer comme une élite à qui Dieu se révèle et qui est à part. Nous sommes invités à regarder le cœur, la foi des personnes et non leurs allures extérieures, leurs possessions, leur qualifications ou leurs provenances. En résumé, notre foi c’est de reconnaître la mission universelle de l’Église et d’y travailler de toutes nos forces. Alors Jésus pourra nous dire à nous aussi « Ta foi est grande. Que tout se fasse comme tu veux ».
Conclusion
Demandons au Seigneur de ne pas céder à l’exclusion et à l’intolérance. Comme la cananéenne redisons notre foi totale en Jésus et proclamons-la en récitant le Symbole des apôtres.
Amen!
Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec
11 août 2020