Homélie pour le 29e dimanche du temps ordinaire Année A « Un piège déjoué »

Hermann Giguère

Homélies dominicales pour les temps liturgiques par Mgr Hermann Giguère P. H. du Séminaire de Québec. Homélie pour le 29e dimanche du temps ordinaire Année A le 18 octobre 2020. Textes : Isaïe 45, 1.4-6, 1 Thessaloniciens 1, 1-5b et Mathieu 22, 15-21.

La scène racontée dans ce passage de l’évangile selon saint Mathieu se situe à Jérusalem où Jésus est arrivé sous les acclamations des habitants et des pèlerins qui y sont montés pour la fête de la Pâque. Il y a fait une entrée remarquée que nous célébrons le Dimanche des Rameaux. Ses adversaires, pharisiens, scribes et membres du grand conseil appelé le Sanhédrin le poursuivent insidieusement. La scène que nous venons d’entendre fait partie de cette guerre. D’autres épisodes suivront. Arrêtons-nous à celui-ci puisqu’on l’a choisi comme évangile de ce dimanche.

I – Un portrait flatteur de Jésus

La scène commence avec des préliminaires doucereux et flatteurs de la part des pharisiens. J’ai été fasciné par le portrait qu’ils font de Jésus. Malgré leur désir de le voir se laisser monter la tête par leurs éloges, ceux-ci ne sonnent pas faux. Au contraire, ils tracent un portrait de Jésus qui m’apparaît refléter ce que ses contemporains voyaient en lui : un homme vrai qui ne se laisse influencer par personne et qui ne considère pas les gens selon l’apparence.

C’est un beau portrait que j’ai aimé entendre parce qu’il va en profondeur et ne se s’attarde pas seulement à sa renommée et à ses miracles.

Ce portrait hélas! fait partie d’une stratégie que Jésus va dégonfler avec un aplomb et une sagesse remarquables par une réponse qui est devenue si célèbre qu’elle fait partie de ces phrases qui ont traversé les siècles. Après les éloges des pharisiens et leur demande pour savoir s’il est permis de payer ou non l’impôt à César, l’empereur romain, Jésus les dénonce : « Hypocrites! Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?» Il leur demande une pièce de monnaie et regardant l’effigie de l’empereur romain, il dit « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

II – Le piège déjoué

Pour mieux comprendre cette réponse célèbre, permettez-moi d’entrer avec vous dans le contexte particulier de ce piège préparé pour Jésus.

La question est très liée aux mouvements de résistance contre les Romains qui se manifestaient à cette époque. Dans ce cadre on voit bien le piège. Si Jésus répond oui, il se dissocie de ces mouvements et prend le parti des Romains qui occupent la Palestine. S’il répond non, il est classé comme membre ou associé des mouvements qui luttent contre les Romains qu’on appelle alors les Zélotes. L’un de ses apôtres d’ailleurs porte ce surnom : Simon le Zélote. Il vient probablement de ces milieux de la résistance juive à l’occupation romaine.

Jésus est bien conscient du piège et il trouve une façon habile de ne pas se prononcer par un oui ou par un non. Sa réponse se fait dans un contexte bien précis et Jésus refuse de se laisser coincer dans un camp ou l’autre, pour ou contre les Romains. Sa réponse « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est demeurée célèbre.

III – Application

Les générations chrétiennes au fil des ans ont reçu cette réponse de diverses façons.

Aujourd’hui, nous pouvons l’appliquer facilement à notre contexte politique. C’est ce que le pape Jean-Paul II faisait dans une lettre aux évêques de France en 2005 lors du centième anniversaire de la Loi de séparation des Églises et de l’État lorsqu’il leur écrivait que le principe de laïcité, bien compris, « rappelle la nécessité d’une juste séparation des pouvoirs qui fait écho à l’invitation du Christ à ses disciples : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu” » (Lettre du 11 février 2005).

Il y plus cependant. Un message spirituel se dégage pour nous aujourd’hui, comme pour le juif du temps de Jésus : il ne faut pas laisser les aménagements politiques et sociaux prendre toute la place et tuer celle de Dieu. C’est pourquoi après avoir dit « Rendez à César ce qui est à César », Jésus ajoute « Et à Dieu ce qui est à Dieu ».

« Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » tourne le chrétien vers Celui de qui vient tout don, par qui nous avons la vie, le mouvement et l’être (Actes des Apôtres 17, 28). Cette attitude lui fait mettre en pratique le premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu » sans laisser de côté le second « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mathieu 22, 36-40).

Conclusion

Des textes de l’évangile comme celui-ci ont donné lieu à nombreuses interprétations et même des abus au cours de l’histoire. C’est l’illustration des limites et des pauvretés de ceux et celles qui croient en Jésus-Christ. Leur foi ne les garantit pas des écarts et des dérives.

Demandons au Seigneur dans cette Eucharistie, que notre foi s’enracine de plus en plus dans le roc solide qu’est la personne de Jésus-Christ auquel nous remettons nos vies. C’est avec lui que nous cheminons sur les routes du monde en cherchant à mieux le connaître et à mieux le suivre.



Amen!

Mgr Hermann Giguère P.H.
Faculté de théologie et de sciences religieuses
de l'Université Laval
Séminaire de Québec


13 octobre 2020













LECTURES DE LA MESSE pour le 29e dimanche du temps ordinaire Année A

PREMIÈRE LECTURE
« J’ai pris Cyrus par la main pour lui soumettre les nations » (Is 45, 1.4-6)
Lecture du livre du prophète Isaïe

Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus,
qu’il a pris par la main
pour lui soumettre les nations et désarmer les rois,
pour lui ouvrir les portes à deux battants,
car aucune porte ne restera fermée :

« À cause de mon serviteur Jacob, d’Israël mon élu,
je t’ai appelé par ton nom,
je t’ai donné un titre,
alors que tu ne me connaissais pas.

Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre :
hors moi, pas de Dieu.
Je t’ai rendu puissant,
alors que tu ne me connaissais pas,
pour que l’on sache, de l’orient à l’occident,
qu’il n’y a rien en dehors de moi.
Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. »

– Parole du Seigneur.

PSAUME
(Ps 95 (96), 1.3, 4-5, 7-8, 9-10ac)
R/ Rendez au Seigneur
la gloire et la puissance. (Ps 95, 7b)

Chantez au Seigneur un chant nouveau,
chantez au Seigneur, terre entière,
racontez à tous les peuples sa gloire,
à toutes les nations ses merveilles !

Il est grand, le Seigneur, hautement loué,
redoutable au-dessus de tous les dieux :
néant, tous les dieux des nations !
Lui, le Seigneur, a fait les cieux.

Rendez au Seigneur, familles des peuples,
rendez au Seigneur la gloire et la puissance,
rendez au Seigneur la gloire de son nom.
Apportez votre offrande, entrez dans ses parvis.

Adorez le Seigneur, éblouissant de sainteté :
tremblez devant lui, terre entière.
Allez dire aux nations : « Le Seigneur est roi ! »
Il gouverne les peuples avec droiture.

DEUXIÈME LECTURE
« Nous nous souvenons de votre foi, de votre charité, de votre espérance » (1 Th 1, 1-5b)
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Thessaloniciens

Paul, Silvain et Timothée,
à l’Église de Thessalonique
qui est en Dieu le Père
et dans le Seigneur Jésus Christ.
À vous, la grâce et la paix.

À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous,
en faisant mémoire de vous dans nos prières.
Sans cesse, nous nous souvenons
que votre foi est active,
que votre charité se donne de la peine,
que votre espérance tient bon
en notre Seigneur Jésus Christ,
en présence de Dieu notre Père.
Nous le savons, frères bien-aimés de Dieu,
vous avez été choisis par lui.
En effet, notre annonce de l’Évangile
n’a pas été, chez vous, simple parole,
mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine certitude.

– Parole du Seigneur.

ÉVANGILE
« Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 15-21)
Alléluia. Alléluia.
Vous brillez comme des astres dans l’univers
en tenant ferme la parole de vie.
Alléluia. (Ph 2, 15d.16a)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu

En ce temps-là,
les pharisiens allèrent tenir conseil
pour prendre Jésus au piège
en le faisant parler.
Ils lui envoient leurs disciples,
accompagnés des partisans d’Hérode :
« Maître, lui disent-ils, nous le savons :
tu es toujours vrai
et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ;
tu ne te laisses influencer par personne,
car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens.
Alors, donne-nous ton avis :
Est-il permis, oui ou non,
de payer l’impôt à César, l’empereur ? »
Connaissant leur perversité, Jésus dit :
« Hypocrites !
pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?
Montrez-moi la monnaie de l’impôt. »
Ils lui présentèrent une pièce d’un denier.
Il leur dit :
« Cette effigie et cette inscription,
de qui sont-elles ? »
Ils répondirent :
« De César. »
Alors il leur dit :
« Rendez donc à César ce qui est à César,
et à Dieu ce qui est à Dieu. »

– Acclamons la Parole de Dieu.


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